LES ACTES et mentions INSOLITES DES REGISTRES D’ETAT CIVIL
    
 

retour accueil

A une époque où savoir nager était peu fréquent , les décès par noyade se rencontraient régulièrement après une chute dans un point d'eau ou lors d'inondations excessives par exemple.
Mais autrefois,  l'eau pouvait aussi être un moyen de torture , d'exécution légale ou de suicide .
Lorsqu'elle est accidentelle, la noyade était toujours considérée comme une mort violente , la victime n'ayant pas eu le temps de recevoir les derniers sacrements .
L'étude passionnante de L.Moulinier : "la noyade et son appréhension au Moyen Age ( ) " apporte de nombreuses informations sur la mort par noyade.

Les mentions ci-après , tirées des registres paroissiaux ou d'état civil , illustrent ce sujet .
Une noyade à Prévenchères en 1749
Une noyée à Jumièges en 1779
Une noyade dans un puits à Auzon en 1742
Noyade d'une femme pauvre à Auzon en1751 lors d'inondations
La "mort funeste" d'un prêtre à Beaulon en 1741
Un noyé très chrétien à Songieu en 1643
Le procès verbal d'une noyade à Varades en 1801

Mais pour débuter , cet acte exceptionnel de la sépulture ... de la jambe d'une noyée  !
 


Paroisse de Cheillé (Indre-et-Loire)  - 18 avril 1779

Voici une scène assez cocasse de l'inhumation d'une jambe dans un cimetière!

Geneviève Bodin "par accident sur la vingtunieme année de son age se noya aux moulins neufs ". Sa jambe droite fut retrouvée et identifiée "par la chausse dont elle est encore vetue" .
Sa mère "pria d'en faire l'inhumation dans le cimetière  "  , ce qui sera fait après l'établissement du procès verbal.

"Le dix huit avril mil sept
cens soixante neuf Renée Rideau cy devant veuve de Reviland
Bodin et actuellement femme de René Robineau laboureur de la paroisse
de Villaine nous ayant exposé que la jambe droit de Geneviève Bodin sa fille
qui par accident sur la vingtunieme année de son age se noya aux moulins
neufs le quatre de decembre dernier a été trouvée dans cette paroisse et par elle
reconnue par la chausse dont elle est encore vetue et nous ayant prié d'en faire
l'inhumation dans le cimetière de notre dite paroisse  (...) "

 

 

Ad37 Cheillé 1769 vue6

 


Ad 48 Prévenchères- BMS 1746-1768 Vue 97
 


Prévenchères (Lozère) - 29 septembre 1749 -

C'est en " Gayant " le ruisseau de Malaval que Jean Baptiste Privat s'est noyé .
On supposera qu'il a voulu passer le ruisseau à gué . Il fut retrouvé 6 jours plus tard.

"jean baptiste privat du lieu de chazes  paroisse de la panouse
agé d'environ quarante ans , s'est noyé en gayant le
ruisseau appelé malaval entre le village de lhermet
et celui de chapedeau paroisse de prevencheres, diocese de
mende le vingt neuf septembre mil sept cens quarante
neuf, il a été trouvé dans l'eau audit ruisseau le
cinquième octobre de ladite année (...) "

Jumièges (Seine- Maritime) -19 septembre 1779
Jumièges est située sur les bords de la Seine dans laquelle  "Pierre Fleury agé d'environ dix huit ans de la paroisse de Ménil " se noya .
Son corps "noyé et jetté par les vagues sur le rivage de cette paroisse " fut inhumé "la visite ayant été préalablement faite par justice et mandement obtenu de Mr Le procureur du Roy de l'amirauté"

 


Ad76-Jumièges -1779- vue18

Ad43 Auzon 1700-1743- vue13

Auzon (Haute-Loire) - 27 novembre 1742
Crime ou accident pour cet inconnu trouvé mort dans un puits , nous ne le serons jamais .

"Aujourd'huy vint septieme novembre mil sept cent quarante deux a été inhumé dans
le cimetière de cette eglise par moy curé soussigné un homme etranger et inconnu agé d'
environ cinquante ans qu'on croit etre de la paroisse de chassignoles, qu'on a trouvé noyé
ledit jour et an dans un puid situé dans le bourg du caire (...) "

 

 

Auzon (Haute-Loire) - 3 mai 1751

1751 fut une année très pluvieuse avec des pluies continuelles tout le printemps  (voir sur ce site ici ). Les rivières Auzon et  Gaudarel qui se jettent dans l'Allier et qui traversent la ville devaient être très hautes puisque le curé parle d'inondations responsables de la noyade d'une femme inconnue. Celle-ci est décrite comme "une famme pauvre, petite de taille, qui avoit des bagues de cuivre, laquelle avoit eté noyée dans les grandes inondations qui arrivèrent ledit trois "

La mention de bagues de cuivre n'est pas anodine puisqu'elle pouvait permettre d'identifier l'inconnue si quelqu'un la recherchait. 
Les noyés non identifiés , soit parce qu'ils étaient déjà en état de putréfaction avancé , soit parce qu'ils avaient dérivé longtemps au fil de l'eau , loin de leurs terres d'origine , n'étaient pas rares.

Le curé précise d'ailleurs : "il n'a passé aucun parent ou voisin qui l'ait reconnue "

 


Ad43 Auzon 1601-1760 -vue258

Ad03-Beaulon Bmas 1740-1760 vue 18

Beaulon (Allier) - 4 décembre 1741

La moindre particularité vestimentaire ou physique d'un noyé était précieuse et constituait parfois le seul moyen de le reconnaitre.
Ainsi, les habits d'ecclésiastique du cadavre retrouvé dans la rivière de cette paroisse ont permis d'identifié le corps d'un prêtre que l'on savait disparu et noyé dans la Loire.

" Nota que messire anthoine Thomas pretre
vicaire de cette paroisse s'étant noyé dans la Loire en revenant
de Bourbon le 4e de novembre 1741, on n'a pu le trouver
quelques recherches que lon ait faites ; mais le deuxieme du
mois suivant, on a trouvé dans ladite rivière riere la paroisse
de cronat, coté de Bourgogne, district de la justice de St aulbin
un cadavre revetu d'habits eclesiastiques dont on a fait la levée
le meme jour et dans la conjoncture et apparence que cetoit
celuy dudit Sr Thomas , il a eté du consentement tant dudit Sr curé
de cronal que des officiers de justice , transferé sur les ilses de
maupréz riere cette paroisse , ou les officiers de cette justice se sont
transporté et lon fait conduire icy pour y estre inhumé, et en
consequence nous luy avons le lendemain donné la sepulture
dans l'eglise parroissialle , en presence d'une grande partie de la
paroisse qui ont assistés a son enterrement et services ce quatrieme
decembre mil sept cent quarante un . Saint Hilaire curé de Baulon "

 


Songieu (Ain) - 1641
Les personnes retrouvées noyées n'ont pas reçu les derniers sacrements et la crainte de l'errance de leur âme était grande, comme lors de toute mort violente. C'est sans doute pourquoi le curé de Songieu précise que le noyé était un bon chrétien et  "son corps trouvé au pré de Martin fust porté et enterré a Songieu ayant toute sa vie montre et pratique tous actes de chrestien " .
 


Ad01 Songieu 1641-1651 vue1

Merci à Philippe Robert pour la mention de cet acte

Varades (Loire-Atlantique) -28 germinal an9 (18 avril 1801)

L'établissement d'un procès-verbal après la découverte d'un noyé est obligatoire afin de définir si la mort est d'origine accidentelle ou criminelle. Il s'agit d'examiner le corps, d'interroger les éventuels témoins , de confirmer le lieu de la découverte du corps,  l'identité de la victime , d'énumérer les effets personnels trouvés sur le corps , etc.
Sans l'accord de la justice , le corps ne peut être inhumé. La plupart des actes de sépultures de noyés mentionnent ce procès-verbal  et au XIXe siècle, nous pouvons en trouver inscrits dans les registres d'état civil.

L'acte suivant concerne " Etienne Molai , noyé en la rivière de loire et ayant été trouvé a l'eau en cette commune " .
Ainsi en est faite la description : " avons trouvé dans l'eau  un cadavre poutrifié vetu d'un mauvais gillet un mauvais pantalon de bas de laine tinté le tout en bleu plus une chemise de toille percé marquée E: M et une paire de mauvais souliers a l'instant ledit rené bouet nous a déclaré avoir rencontré et peché ledit cadavre le jour d'hier trois heures après midi et nous a remis une paire de bouton de manches marquées E M en argent . "

Ayant eu connaissance qu'un certain François dit Camus dont on ignore le nom était tombé à l'eau en mouillant une ancre trois semaines plus tôt , on décréta qu'il s'agissait de lui.
"Lesdits nicolas leger et jean blottin nous ont declaré connaitre ledit cadavre par ses vetements vu qu'il est impossible de le reconnaitre autrement attendu son degré de putréfaction " 

Cependant , une lettre d'un juge de paix de Saumur  va contredire cette identification puisqu'il "est certain que le cadavre ci devant denommé s'appellait Etienne Molai , fils de joseph marinier à saumur "  .

Notons que Saumur et Varades sont espacés d'une centaine de kilomètres .
 

 

 

l'acte en entier : Ad44 Varades -D AnIX -vue12

©geneactinsolites.free.fr - 2008- mentions légales-